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Après avoir allumé ses quarante bougies en 2017, c'est à se demander si Jazz in Marciac n'avait pas encore une réserve d'air frais pour souffler sur les braises encore chaudes de sa quadruple borne décennale. Diversité, décloisonnement, rencontres au sommet, découvertes sont les mots-clé de l'édition 2018, dominée par une stèle invisible et pourtant bien enchâssée dans le terreau du village : celle célébrant la création de la Nouvelle-Orléans il y a 300 ans ! Un peu comme si le multi-culturalisme et le bouillonnement musical du delta du Mississippi s'étaient symboliquement transportés entre deux collines gersoises pour un long mardi gras estival.
Si l'on s'accorde sur le lieu de naissance du jazz avant qu'il n'essaime plus au nord des Etats-Unis, puis dans le reste du monde, on oublie parfois que le creuset néo-orléanais intégrait déjà au début du XXe siècle des expressions musicales qui, loin de s'exclure, finirent par s'éclairer les unes par rapport aux autres pour donner naissance à ce premier collectif libre et organisé qu'était le style New Orleans : le point de départ d'une forme d'art majeur qui continue d'accueillir, dans sa quête de liberté musicale, tous ceux pour qui l'expression individuelle par l'improvisation prime sur les codes endogènes.
Comment expliquer autrement que Wynton Marsalis mélange son cuivre avec celui d'Ibrahim Maalouf, que le Quatuor Debussy s’encanaille avec Jacky Terrasson (à moins que ce ne soit l’inverse ?), que le groupe Airès défie les frontières entre baroque, classique et jazz, qu'entre le blues ressourcé d'Eric Bibb et la grande messe funk de Cory Henry souffle un seul et même esprit ? Il n'est pas jusqu'à l'Amérique pacifiée de Joan Baez ou les griffures latino-rock de Carlos Santana qui ne relèvent de cette dette, à laquelle ces deux artistes hors-normes souscrivent en venant jouer et chanter à Marciac.
Un simple village ? Plutôt une terre d'asile où un grain de folie a su abolir les murs, année après année.
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